la fureur de vaincre
A la fin des années 1950, alors
que l’avènement des jeunes champions comme Beltoise ou Offenstadt ne
s’était pas encore produit, un pilote écumait les circuits français avec
sa Manx : Jacques Collot. Parmi ses adversaires les plus opiniâtres il y
avait Jacques Insermini, Jean-Pierre Bayle et un certain Guy Ligier.
Tous de robustes gaillards, sans commune mesure avec les jockeys qui
allaient leur succéder.
Quand j’ai rencontré Ligier, il restait à
mes yeux un de ces motards de haute stature bien qu’ayant franchi le
pas (alors classique) vers les quatre roues. J’étais bien copain avec Jo
Schlesser qui me prit parfois comme coéquipier à ses cotés. Un jour Jo
me dit qu’il avait de très gros projets à travers une association avec
une personne dont il tut secrètement le nom. Peu après, j’apprenais
qu’il s’agissait de Guy Ligier. Ils avaient crée une affaire nommée
Inter Sport dont la gérance avait été confiée à José Behra. Il
s’agissait de distribuer en France de grosses voitures de sport,
essentiellement des Mustang Shelby. Parallèlement à cette activité
commerciale, Ligier et Schlesser entendaient monter une équipe de
course. Et même plus si possible.
1968, ANNÉE TERRIBLE
En 1968 Inter Sport aligna des McLaren F2
sur la scène européenne, avec Schlesser et Ligier pour pilotes.
L’affaire n’était pas mince, car, outre les pilotes du calibre de Jim
Clark, Jochen Rindt ou Graham Hill, nos deux héros allaient devoir
affronter deux équipes officielles Matra, l’une avec Beltoise et
Pescarolo, l’autre, dirigée par Ken Tyrrell, avec Stewart et Ickx –
excusez du peu !
Hélas,
1968 fut une année terrible, marquée par de graves accidents dont deux
coutèrent la vie à Clark (le 7 avril à Hockenheim) puis à Jo Schlesser
(le 7 juillet au G.P. de France à Rouen). Le grand Jo disparu, Guy se
retrouvait seul à la tête des projets d’Inter Sport. Des projets
ambitieux puisqu’il s’agissait de mettre en chantier un coupé sportif,
avec l’intention de le faire homologuer en GT. L’ingénieur Michel Tétu,
qui avait débuté en course comme ingénieur chez Charles Deutsch – il y
officiait en 1966 quand je disputais les 24 Heures du Mans au sein de
l’équipe CD-Peugeot, ce qui me permit d’en faire la connaissance. Le
dessin de la carrosserie de cette première JS1 (amical coup de chapeau à
son « pote » Jo Schlesser) devait être réalisé par Frua en Italie. Mais
la gestation de cette première Ligier fut chaotique. Guy, qui n’avait
pas encore abandonné sa carrière de pilote, ne s’y consacrait pas à
plein temps. Il s’était aligné en F1 en 1966 sur une Cooper-Maserati et
en 1967 sur une Brabham-Repco. Après quoi il changea d’orientation pour
tenter l’endurance au volant d’un prototype Ligier – la JS3, avec
laquelle il disputa les 24 Heures du Mans en tandem avec Patrick
Depailler en 1971. Malgré de nombreux arrêts (qui mis bout à bout
totalisèrent 4 heures !) Ligier-Depailler terminèrent la course mais ils
ne furent pas classés.
LA JS2 À MOTEUR MASERATI
Pendant ce temps le projet originel d’une
Ligier de petite série avait fini par prendre forme. C’était la JS2
pour laquelle Guy avait obtenu l’utilisation d’un moteur V6 Maserati
conçu pour propulser la Citroën SM – projet qui capota en raison d’une
grave crise pétrolière en 1973. Fidèle à l’image de fonceur qu’il avait
donnée de lui, Guy Ligier s’obstina à donner vie à sa jolie JS2. C’est
sur une telle Ligier JS2-Maserati que j’eus l’avantage d’intégrer
l’équipe de Guy, Gérard Larrousse m’ayant choisi en 1974 comme
coéquipier pour le Tour de France auto que nous avions déjà disputé
ensemble – en 1971 sur Matra 650, vainqueurs et en 1972 sur une Ford
Capri officielle, abandon.